LES AFFAIRES AYANT ECLABOUSSÉ L'ARMÉE

Qui tient les écoles tient la France - Jean Macé

<= L'armée française de l'été 14


Armée et république: Les cadres de l'armée de la fin du XIX° siècle sont en grande partie formés sous Napoléon III, au moins pour les hauts cadres de l'armée, à partir du cadre de colonel; certains sont des aristocrates et gardent des sympathies monarchistes. Depuis l'instauration de la république, la carrière des armes apparait comme un refuge pour de nombreuses familles conservatrices. Vers 1900, un quart des saint-cyriens et des polytechniciens sont issus des collèges des congrégations catholiques. L'institution militaire n'est pas acquise totalement aux idées républicaines, mais reste loyale au gouvernement (ainsi pendant le pseudo-coup d'état de pacotille de Paul Déroulède en 1899, le général Roger, malgré ses sentiments antidreyfusards, refuse de suivre le meneur nationaliste qu'il fait arréter). Il régne de fait un attachement à l'ordre et l'autorité ainsi qu'une prévention contre le régime parlementaire. 

Notons qu'en 1886 une loi fut voté interdisant aux chefs de familles ayant régné sur la France ainsi que leurs héritiers directs de résider en France, et qui prévoyait leur exclusion de l'armée de terre et de la marine. Plusieurs membres de la famille d'Orléans (dont le duc d'Aumale) furent ainsi radiés des cadres de réserves.

L'armée a le sentiment d'être un corps particulier et d'avoir à régler ses problèmes elle-même. Ainsi une des causes principales de l'envenimement de l'affaire Dreyfus a été que l'armée considérait ce problème comme le sien et que l'autorité civile n'avait rien à y voir, alors que pour beaucoup de Dreyfusards c'était l'occasion révée de briser une caste à leurs yeux liée aux forces conservatrices. 


La crise Boulangiste: C'est la crise la moins grave qu'ait connu l'armée, car elle n'a pas eu de suites et s'est finit aussi rapidement qu'elle avait commencé. Le général Georges Boulanger, saint-cyrien, a participé aux campagnes du second-empire (Algèrie, Italie, Cochinchine, guerre de 70), où sa bravoure et des blesures lui valent une ascension rapide, ainsi qu'à la répression de la commune. Il devient général en 1880, et devient l'auteur de quelques réformes militaires qui le rendent célèbre. C'est notamment lui qui fait adopter le fusil Lebel en 1886, alors qu'il était ministre de la guerre. 

Le général Boulanger:

De plus en plus populaire, il incarne par ses discours le général revanche. Suite à un meeting organisé par Paul Déroulède et la Ligue des Patriotes au Cirque d'Hiver à Paris, le refrain « C'est Boulange, Boulange, Boulange, c'est Boulanger qu'il nous faut » est crié par 10.000 personnes sur les boulevards. Il multiplie les provocations envers l'Allemagne, ce qui le rend dangereux pour la paix. 

En 1887 il n'est plus au gouvernement, ce qui lance le mouvement boulangiste qui le porte plus qu'il ne le dirige. Acclamé par des foules, soutenu par des monarchistes, des bonapartistes, des revanchards, tous les mécontents en somme, le gouvernement le nomme commandant du 13° corps à Clermond-Ferrand, pour l'éloigner de Paris. 

En 1888, rayé des cadres de l'armée et cassé de son grade pour avoir participé à des élections alors qu'il était militaire, plus rien ne s'oppose à son entrée en politique. Il est élu député. Les bloulangistes finissent par présenter un candidat député dans chaque département. 

En 1889 il est élu à Paris sur un programme "Dissolution, Révision, Constituante". Au grand dam de ses partisans, il refuse pourtant d'effectuer un coup d'état aprés ce quasi plébiscite. Le ministre de l'intérieur poursuit alors La ligue des patriotes, soutien du général, et fait savoir à celui-ci qu'un ordre d'arrestation doit être porté contre lui le premier avril et que le même jour il demanderai la levée de son immunité parlementaire à l'assemblée.

Inquiété, Boulanger quitte Paris pour Bruxelles. Poursuivi en justice, il est condamné par contumace à la déportation à vie en enceinte fortifiée. Vivant en Belgique avec sa maitresse, celle-ci meurt de maladie en 1891. Il se suicide sur sa tombe 2 mois et demi plus tard.

Affiches électorales en faveur du général Boulanger

Affiches électorales en faveur du général Boulanger


Patriotisme et pacifisme: La défaite de 1870 a provoqué dans toute la population un immense émoi, et la réthorique revancharde tiendra lieu de credo dans les années 1870. Même si ce sentiment s'amenuise avec les années de paix, l'espoir d'une revanche reste toujours présente dans les milieux nationalistes, s'accompagnant d'une réthorique parfois cocardière à l'excés.

Ce revanchisme imprégne la société, et faisait partie des programmes pédagogiques. On apprenait ainsi aux écoliers français que la perte de l'Alsace-Lorraine était une atteinte à l'intégrité territoriale de la patrie. 

Or le souvenir de la défaite s'estompant, une certaine gauche incline vers le pacifisme, un internationalisme naïf voire niais. L'illusion que l'ère des guerre de nationalités était close sera par exemple entretenue jusqu'au bout par un Jaurès, alors que les allemands pensaient au contraire qu'une guerre était toujours possible. Le dreyfusard Julien Benda expliquera aprés la guerre: Nous étions persuadés que l'ère des guerres était close, et que les antidreyfusards n'entretenaient le spectre d'une guerre franco-allemande que pour les besoins de leurs passions.

On peut en effet constater qu'en Allemagne les socialistes votent les crédits militaires et hésitent à fomenter des grèves, par peur de nuir à leur pays, menacé sur deux fronts en cas de guerre. La CGT française invite les prolétaires à refuser de prendre les armes en cas de guerre avec l'Allemagne...

Ainsi, à l'occasion de l'affaire Dreyfus, un certain nombre de républicains vont se détacher du patriotisme, notamment les professeurs. L'extrême gauche villipende l'armée d'autant plus qu'elle sert de force de l'ordre, en l'absence de force de police adéquat. S'emparant des cas dramatiques où la troupe, craignant d'être débordé, doit tirer sur des ouvriers, elle caricature les militaires en gardiens de l'ordre bourgeois. 

Président du conseil de 1899 à 1902, Waldeck Rousseau dirige un ministère de défense républicaine qui ouvre le chemin à plus à gauche que lui. Le service de renseignements est épuré, démantelé et rattaché au ministère de l'intérieur, ce qui le désorganise pour un certain temps. Il n'y a ainsi plus de contre-espionnage militaire en France et cela donne aussi une longueur d'avance aux allemands dans ce domaine nouveau de l'art de la guerre. Au moment où l'Allemagne relance la course aux armements, les crédits de la défense nationale sont revus à la baisse. La hiérarchie militaire n'a plus de droit de regard sur l'avancement des officiers, lequel ne dépend plus que du ministre, c'est à dire du pouvoir politique. 

En 1902 les radicaux prennent le pouvoir (bloc des gauches). Comme leur nom l'indique, ils veulent transformer la société, et en opportunistes, ils ont utilisé l'affaire Dreyfus pour réaliser une sorte de révolution dreyfusienne. Les lois anticléricales allaient suivre, l'affaire des fiches aussi, entrainant à chaque fois des désordres dans l'institution militaire. 


L'affaire des fiches: Le général André, ministre de la guerre de 1900 à 1904, républicain et libre-penseur, veut décatholiciser l'armée. Sitôt en poste il relève de leurs fonctions le chef d'état-major général et le vice-président du Conseil supérieur de la guerre, suspects de sentiments antidreyfusards. Dés 1901 il favorise systèmatiquement la carrière des officiers qui partagent ses opinions, en mettant en place un système de fiches.

Le général André:

Pour mettre en place ce système il s'entend avec le secrétaire du grand-orient de France, obédiance maçonnique dominée par le courant rationaliste. Ses adeptes, justement, sont en croissance exponentielle, et fournissent des renseignements sur les officiers, avec des notations du genre va à la messe, sa femme va à la messe, met ses enfants chez les jésuites, franc-maçon, dévoué au gouvernement, suit les processions en civil, reçoit La Croix chez lui, etc.

Le ministre classe ensuite les officiers entre ceux qui sont à écarter et ceux qui doivent être promus. Le colonel de Castelnau, ou Ferdinand Foch, dont le frére est jésuite, voient ainsi leur avancement bloqué. 

Le système marche ainsi discrétement pendant quatre ans, jusqu'à ce qu'en 1904, sous le ministère Combes, le député modéré Jean Guyot de Villeneuve dévoile la combine. Devant la chambre il donne lecture de fiches confiées par le secrétaire adjoint du Grand-orient, pris de remords. Le débat est houleux et s'étends à la presse. Le général André nie formellement être au courant de ce système. Pourtant un nouveau débat fait savoir que Waldeck-Rousseau avait averti son successeur Combes de son existence. Combes, en poste depuis deux ans, nie à son tour. Le 15 novembre 1905 le général André est acculé à la démission. Le 18 janvier 1905 le gouvernement du bloc des gauches tombe à son tour, victime du scandale des fiches. 

Cette affaire a rééllement affecté le moral et la cohésion de l'armée. Les promus récents sont soupçonnés de devoir leurs galons à leurs opinions politiques plus qu'à leurs compétences professionnelles. Les indicateurs rééls ou supposés sont mis en quarantaine. De plus de nombreux officiers compétents ont été écartés, parfois au profit de carriéristes issus des loges maçonniques ou de la clientèle des partis de gauche. A la même époque, la qualité professionnelle des officiers prussiens était au plus haut!


La politique anticléricale: cf. L'Eglise et l'armée

Fort heureusement pour nous, l'union sacrée pourra se faire en août 1914 car le pays tout entier se croit victime d'une agression. La CGT et la SFIO comprennent alors que leur internationalisme était naïf, ils ne provoqueront pas de gréves générales alors que les scocialistes allemands ne feront pas de même. Le carnet B, contenant le nom des personnes à arrêter en cas de mobilisation, ne sera pas utilisé.  

Nous aurons beaucoup moins de chance lors de la mobilisation de 1939, où les communistes, prenant leurs ordres à Moscou, saboteront le matériel de guerre, appeleront à la désertion et à la collaboration avec l'allemagne (jusqu'au 22 Juin 1941 exactement!), tandis qu'aprés la plus lourde défaite que notre pays ait connu, nos pacifistes entreront en masse au gouvernement de Vichy.


Source: La belle époque - Michel Winock - Tempus - 2003
Historiquement Correct - Jean Sévilla - Tempus - 2003