LE TIR DU CANON DE CAMPAGNE DE 75

<= L'armée française de l'été 14

Définitions:
  • Tir fusant: tir dans lequel les obus éclatent en l'air.
  • Tir percutant: tir dans lequel les obus éclatent quand ils touchent le sol
  • Salve: successions des coups d'une batterie (4 pièces) tirés sur une même hausse, dans un ordre déterminé, à raison d'un coup par pièce
  • Rafale: ensemble des coups d'une batterie (4 pièces) tirés sur une même hausse, à raison d'un ou plusieurs coups par pièces
  • distance de tir: distance du canon au but sur lequel il tire
  • trajectoire: ligne courbe que le projectile décrit lors de son trajet dans l'air
  • plan de tir: plan vertical passant par l'axe de la bouche à feu
  • point de chute: point où la trajectoire rencontre le sol
  • portée: distance du canon au point de chute
  • hausse: distance commandée par le capitaine et inscrite sur le tambour de hausse
  • écart angulaire: angle formé par deux plans verticaux et passant par l'oeil et les deux points incriminés, évalué en millièmes
  • millièmes: unité de mesure angulaire égale à la 6400° partie de la circonférence (ci. le millième du rayon, un mètre vu à 1km)
  • dérive: ensembles des nombres à faire marquer par l'appareil de pointage pour diriger la pièce sur le but (une augmentation de dérive porte le plan de tir à gauche, une diminution de dérive porte le plan de tir à droite, pour le canon de 75)
  • angle de site: angle formé avec le plan horizontal par la ligne droite qui joint le canon au but.
  • angle de tir: angle formé par la droite joignant le canon au but et l'axe du canon
  • angle d'éclatement: pour un projectile fusant, angle formé par les lignes droites joignant respectivement le canon au pied du but et au point d'éclatement. la hauteur type est la valeur de cet angle qui correspond au maximum d'effet du projectile (3 millième pour le 75)
  • distance d'éclatement: distance du point d'éclatement au canon
  • intervalle d'éclatement: distance du point d'éclatement au but
  • batterie défilée: une batterie placée derrière un couvert ou un masque est défilée par rapport à un point lorsqu'on observateur situé sur ce point ne peut apercevoir la batterie. 
  • plan de défilement: plan passant par la partie supérieure du couvert et par le point dont on veut être défilé

Position et organisation de tir: L'arrière train de l'attelage du canon servait de coffre à munition. Celles-ci étaient transportées verticalement dans le caisson, pour éviter leur déformation, puis un ingénieux système permettait de renverser celui-ci prés du canon (à 1,5m à gauche). Les servants pouvaient ainsi sortir les munitions du caisson tout en étant protégés par le bouclier que constituait le fond de l'arrière train. Prés du caisson prenait place le débouchoir d'évent, qui permettait de régler le retard de fonctionnement des fusées, donc à régler le moment de l'explosion de l'obus sur sa trajectoire (tir fusant).

Outre le chef de pièces, on avait six servants:

Le caisson était servi par un pourvoyeur, un déboucheur et un second pourvoyeur. Les pourvoyeurs approvisionnent le débouchoir en obus à balles ou amorcent les cartouches à obus explosifs, le déboucheur débouche les évents ou distribue les détonateurs des obus explosifs, puis passe les cartouches au chargeur.

La pièce était servie par un pointeur, donnant l'angle de site et la dérive, un chargeur introduisant les cartouches dans la chambre et un tireur, donnant la hausse, ouvrant et fermant la culasse et faisant partir le coup.

On pointait dabord la pièce en direction, puis on lui donnait l'angle de site voulu. On abattait ensuite le frein de roues (abattage), et on pose la bêche à terre, à 0,5m en avant du caisson, car l'opération d'abattage faisait reculer la pièce de 40cm, et le premier coup avait pour effet d'enfoncer la bêche à terre, donc de faire reculer la pièce de 10cm (la pièce était alors dite assise)

Ravitaillement: Les pièces étant en poste, un échelon de combat s'installait 400 ou 500m en arrière du front de batterie, abrités autant que possible de l'ennemi, avec des caissons à munitions et la voiture forge. Son rôle était de soutenir les batteries de tir en munitions, vivres et fourrages. Une liaison constante entre les batteries et l'échelon de combat devait être assurée. 

Les fourgons à vivre et à fourrage forment le train régimentaire à disposition de l'état major du régiment. 

Plus loin, se trouve le parc de corps d'armée, avec moyens hippomobiles et automobiles, prêt à ravitailler les régiments d'artillerie, puis le parc d'armée ravitaillant les parcs de corps d'armée, mais utilisant plutôt les moyens fixes (mais de grande capacités) de chemins de fer.


Obus à balles (shrapnel): On peut le tirer fusant ou percutant. Pour le tir fusant on se sert du débouchoir pour percer la fusée en un point convenablement choisi pour que le projectile éclate en l'air au moment voulu. Le chef de pièce donnait l'ordre correcteur tant, par tant, telle distance, ce qui permettait de déboucher l'évent de tant de cartouches, aux valeurs indiquées pour le correcteur et la distance. Pour le tir percutant, utilisé pour détruire les obstacles ou éventuellement contre le personnel, on ne débouchait pas les cartouches.  

Convenablement réglé le shrapnel répartit ses balles sur une largeur de 20m et une profondeur efficace de 150m. La gerbe produite est pleine et peu ouverte (15 à 20°). Les balles ont une pénétration dans les divers matériaux trés inférieure à celle des balles de fusils. Il produit un épais nuage de fumée, et peut provoquer des incendies.


Obus explosifs: Avant la grande guerre on ne le prévoyait que percutant. Les pourvoyeurs recevaient du déboucheurs les fusées détonateurs, et les vissaient sur les obus (à cet effet une boite à fusées se trouvait dans le caisson). Le déboucheur les donnait alors au chargeur. 

Tir percutant: L'obus éclate aprés une certaine pénétration dépendant de l'amorçage du projectile, son poids, sa vitesse restante et son angle de chute. La profondeur de pénétration dans le sol croît avec le poids, la vitesse restante et l'angle de chute. Les amorçages sont dits instantanés, sans retard ou retardés suivant leur durée de fonctionnement (de 1/100°s à 1s).

Tir fusant: Bien que non prévu au lors de la conception du canon, Il a commencé à être utilisé durant la grande guerre. Il donne une gerbe trés creuse et trés ouverte avec des éclats de retour (gerbe de culot). Les éclats sont nombreux, irréguliers et animés dabord d'une grande vitesse qu'ils perdent rapidement.

Exemple de tir fusant: obus de 105mm:


Considération tactiques:La batterie est l'unité de base de l'artillerie; elle est composée de 4 pièces. La batterie doit pouvoir remplir sa mission tactique, qui est de pouvoir tirer sur un point défini par sa distance et son site, mais doit aussi s'exposer le moins possible, c'est à dire être à l'abri des vues et du feu, car une batterie vue était une batterie détruite. Pour cela le tir défilé avec visée sur un but auxillaire a été soigneusement élaboré dans les années 1912-1913, tant du côté allemand que français.

On cherche ensuite à bien battre le terrain, en formant un faisceau d'ouverture donnée et d'orientation voulue. Pour cela on fait pointer les pièces sur un point donné, avec pour la première une certaine dérive (pièce directrice) et pour les autres des dérives echelonnées. Lors du combat la batterie devait souvent déplacer le faisceau, l'ouvrir ou le fermer, etc. D'où l'extrême importance de la rapidité d'exécution pour la guerre de mouvement. 

Batterie en action (grande manoeuvres)
on remarque les dérives différentes des pièces


Tir: On procédait dabord à un tir de réglage, puis aprés correction de la direction, de la portée, de la hauteur d'éclatement, on procédait au tir d'efficacité dont le but est la désorganisation et la destruction de l'objectif. 

On mettait dabord la pièce en direction (à vue ou au moyen d'un point de pointage), on repérait en direction (alignement de la ligne de foi verticale du colimateur sur un point choisi), on donnait l'angle de site commandé, on mesurait la hausse minima (hausse en dessous de laquelle on risque d'écréter le masque). Puis on mettait la hausse à la distance indiquée (ordre telle distance), on chargeait et on effectuait le premier coup. 

Pour les tirs suivants, on pouvait corriger le tir en modifiant la hausse, et la dérive par coulissement de l'essieu, ou si cela était impossible, en déplaçant la crosse, donc en devant refaire l'opération d'abattage.

Pour la précision du tir, on devait aussi tenir compte que si l'essieu n'était pas horizontal, le coup était porté du coté de la roue la plus basse, et qu'il fallait corriger en conséquence (5 millièmes pour 55cm de différences de niveaux des roues)

Les salves de tir pouvaient s'effectuer:

Tir sur hausse unique: On pouvait tirer des salves sur hausse unique, pour battre le même point. Percutant ce tir permettait de détruire un obstacle, fusant d'atteindre un objectif fixe et de peu d'épaisseur (infanterie derrière une haie, etc.)

Tir en fauchant: Quand le pointeur recevait l'ordre de faucher, il devait donner trois coups de volants aprés chaque coup tiré sauf le dernier. Cela permettait déchelonner les tirs de gauche à droite ou inversement. Lors de l'ordre de tir suivant, le pointeur fauchait dans l'ordre inverse (de droite à gauche sir le tir précédent était de gauche à droite et vice-versa). S'il recevait l'ordre de faucher double, il donnait six coups de volants au lieu de trois.

Tir progressif: On tirait en échelonnant la hausse de 100m en 100m. on tirait deux coups sur chaque hausse

Tir progressif en fauchant: On échelonnait les tir avec des hausses de 100m en 100m, et on fauchait par trois coups sur chaque hausse. Les hausses étaient comprises entre une hausse surement courte et une hausse surement longue. Parfois il était préférable d'augmenter la hausse s'il y avait un danger de tirer sur des troupes amies. 

Sur des cibles trés mobiles (cavalerie): On pouvait tirer sans abattre, pour pouvoir pointer en direction rapidement par déplacement de la crosse. L'ordre était sur tel but plateau zéro tambour tant.

Sur cibles trés rapprochées (ci. 500m): Le déboucheur réglait le débouchoir sur la distance minium, le tireur tourne la manivelle de hausse dans le sens de la diminution jusqu'à l'arrêt, le pointeur met la ligne de foi horizontale sur le pied du but, et on tire à volonté. 

Pointage individuel: Dans ce cas les pointeurs prennent le quart de l'objectif qui leur est assigné.


Tir masqué: Le principe était de défiler la batterie sous un masque pour éviter d'être repéré par l'ennemi. Mais pour tirer sans être vu il fallait aussi tirer sans voir. Pour cela les artileurs visaient un but accessoire et dépointaient leurs pièces d'un angle de direction indiqué par le capitaine. On devait avoir bien entendu un angle minimum, appelé angle d'écrêtement, pour éviter de tirer sur le masque. Le commandant de batterie était en haut du masque pour mesurer les différents angles et les indiquer aux artilleurs via le téléphone de campagne. 

Schéma du tir masqué


Protection des batteries: Normalement, les autres armes assurent la protection immédiates des batteries. D'autre part la meilleure protection de l'artillerie, même aux distances rapprochées, reste le tir de ses canons. Dans le cas où une batterie est envahie de soldats adverses les canonniers devaient faire usage de leur armes individuelles (mousquetons, revolvers).

Canon de 75 lors d'un tir

Canon de 75 en action

=> La traction du canon de campagne de 75

Sources: Manuel du gradé de l'artillerie de campagne - Charles lavauzelle - 1912
Manuel du gradé de l'artillerie - Charles Lavauzelle - 1926
L'infanterie en un volume, Manuel d'instruction militaire - Librairie Chapelot - 1914
La gazette des armes n°65 novembre 1978
Site Le canon de 75