Paul Déroulède

"Qui Vive? France!" - devise personnelle

Le Déroulèdisme se manifeste tantôt par un besoin de saccager les brasseries où l'on vend la bière allemande, tantôt d'arracher les drapeaux sous prétexte qu'ils ne sont pas tricolores. On sait que tous les cadavres des marins et soldats français morts au Tonkin appartiennent à M. Déroulède en vertu d'un traité passé avec les pompes funèbes. Personne que lui n'a le droit de parler sur leurs tombes et de déployer des oriflammes sur leurs cercueils - Henri Rochefort

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Paul Déroulède (1846-1914) est un poéte, romancier, dramaturge et surtout militant nationaliste français, dont le nationalisme et son revanchisme intransigeant en font un acteur de premier plan de la droite nationaliste française. Soldat de la France malheureuse en 1870 (sous-lieutenant de la garde-mobile), prisonnier à Bazeilles puis évadé, rejoignant les tirailleurs algèriens, il participe à la répression de la commune de Paris (mai 1871). Il doit renoncer à la carrière militaire en 1874, suite à une chute de cheval, et commence alors sa carrière de revanchard, par son action politique et littèraire.

Anticolonialiste (à cette époque la droite reproche au mouvement colonial d'affaiblir la France, cf. George Clémenceau, tandis que la gauche y voit un débouché commercial, et une aide apportée aux races inférieures), boulangiste, plutôt dreyfusard (il croit Dreyfus innocent), il est à l'origine de la Ligue des patriotes (1882). Républicain à l'origine, il finira par dénoncer les faiblesses et le laxisme de la république parlementaire, d'où son adhésion au boulangisme. La ligue est dissoute en 1889, mais elle est recréée en 1898, lors de l'affaire Dreyfus, pour défendre l'armée et faire la révolution de l'ordre. 

Il tente un coup d'état de pacotille en 1899, à l'occasion des obsèques de Félix Faure, en tentant de rallier l'armée. Il est exilé (un jury populaire l'avait pourtant acquité, bien qu'il ait juré de recommencer) et ne revient qu'en 1905, suit à une amnistie. Il abandonne alors la carrière politique, et meurt le 30 janvier 1914, sans avoir pu assister à la revanche.

Lors des obséques du président de la république Félix Faure, Paul Déroulède et des membres de la ligue des patriotes tentent de faire marcher le général Roger sur l'Elysée (supplément illustré du petit journal - Dimanche 12 mars 1899):

Paul déroulède en voiture cellulaire (supplément illustré du petit journal - Dimanche 26 novembre 1899):

Paul Déroulède a surtout transmis son ridicule à la postérité: ses vers de mirliton, son coup d'état de pacotille, ses grandes déclamations devant les monuments aux morts. Ses Chants du soldat (1872) l'ont rendu célèbre et notamment le fameux Clairon, qui fut longtemps dans les programmes scolaires.

Paul Déroulède à la statue de Jeanne d'Arc:

Discours de M. Paul Déroulède à la manifestation de Buzenval en 1913

Paul Déroulède à la manifestation de Buzenval

Paul Déroulède à l'occasion de la représentation de sa pièce Messire du Guesclin - supplément illustré du petit journal Dimanche 3 novembre 1895


LE CLAIRON


L'air est pur, la route est large,
Le Clairon sonne la charge,
Les Zouaves vont chantant,
Et là-haut sur la colline,
Dans la forêt qui domine,
On les guette on les attend

Le Clairon est un vieux brave,
Et lorsque la lutte est grave,
C'est un rude compagnon ;
Il a vu mainte bataille
Et porte plus d'une entaille,
Depuis les pieds jusqu'au front.

C'est lui qui guide la fête
Jamais sa fière trompette
N'eut un accent plus vainqueur;
Et de son souffle de flamme,
L'espérance vient à l'âme,
Le courage monte au cœur.

On grimpe, on court, on arrive,
Et la fusillade est vive,
Et les autres sont adroits
Quand enfin le cri se jette:
" En marche! A la baionnette !"
Et l'on entre sous le bois.

A la première décharge,
Le Clairon sonnant la charge
Tombe frappé sans recours;
Mais, par un effort suprême,
Menant le combat quand même,
Le Clairon sonne toujours.

Et cependant le sang coule,
Mais sa main, qui le refoule,
Suspend un instant la mort,
Et de sa note affolée
Précipitant la mélée,
Le vieux Clairon sonne encor.

Il est là, couché sur l'herbe,
Dédaignant, blessé superbe,
Tout espoir et tout secours;
Et sur sa lèvre sanglante,
Gardant sa trompette ardente,
Il sonne, il sonne toujours.

Puis, dans la forêt pressée,
Voyant la charge lancée,
Et les Zouaves bondir,
Alors le clairon s'arrête,
Sa dernière tâche est faite,
Il achève de mourir.




Sources: Chants du soldat - Paul Déroulède - Modern Bibliothèque Arthème Fayard 1908
Supplément illustré du petit journal - Dimanche 26 novembre 1899